Nouvelle Lecture

Bienvenue

// Clément Sayous, étudient à l'Institut d'Art Visuel DNSEP (option design visuel)

Réflexion sur la nouvelle définition du Lecteur et sur son rôle face à l’information et au nouveau média.

A partir des pistes et hypothèses misent en avant lors de la recherche bibliographique, réalisation d’expérimentations autour des grandes questions et de la problématique.
Chaque expérimentation sera accompagnée d’un article explicatif et documenté. Même si elle pourrait parfois sembler courtes ou encore secondaires, ses recherches permettront de construire et d’enrichir un plus grand projet et une réponse direct à la problématique.


Ce blog est le journal de ma recherche.

12/11/2009

La linéarité et la mort du récit //

"tout récit est un voyage" Michel de Certeau

Le Codex est apparu au 3ème siècle et à peu à peu supplanté le volumen jusqu'au 5ème siècle.
La linéarité de l'objet (propose un assemblage de page de même format dans un seul ensemble où l'on doit tourner les pages pour découvrir la suite du récit) correspond aux besoins et à la pensée de la nouvelle communauté chrétienne
En effet, le codex traduit l'idée de cheminement de l'être d'un début vers une fin, l'idée de quête qui s'achève nécessairement quand la dernière page est tournée. Cette idée se traduit également physiquement car il existe bien évidement une corrélation entre l'espace du récit et l'espace du livre : lorsqu'on approche de la fin du livre (objet), nous savons que l'histoire va bientôt s'achever.


Si vous me le permettez, j'aimerais pousser un peu plus cette idée d'achèvement du récit.
Une fois que la dernière page est tournée le récit est fini. On peut évidement le recommencer, le comprendre autrement, éclairé par le souvenir de la dernière page, mais inexorablement le récit se terminera. Il restera dans nos mémoires, mais ne pourra avoir de suite. Je parle ici du "récit actuel" celui que nous avons entre les mains, un "tome 2", bien qu'il soit la suite de l'histoire, n'est pas à proprement parlé la continuation de l'espace du récit.

Nous entendons donc qu'à la fin du livre, le récit n'a plus de suite, n'a plus de continuation. Bien qu'il garde un existence, il disparait. Lorsque l'on tourne la dernière page, on signe la mort du récit.

Bien que cette idée soit un peu flou avec des livres à l'histoire extensibles (ex : Harry Potter et ses énième suites), cette idée est beaucoup plus évidente dans les biographies, mémoires ou les œuvres tardives et testamentaires.

Cette question à beaucoup été traité par la photographie (des références sont à venir pour étayer cet idée, mais n'ayant pas trop de mémoire, je me souvient des œuvres mais pas des noms, je vous demande de m'en excuser.
Il y a tout d'abord ce photographe qui photographiait ses filles tous les ans, à la même période. Nous les voyons vieillir, parfois l'une est absente, on se questionne on s'inquiète, mais elle est là l'année suivante. Mais un moment la série s'arrête et la question de la mort s'insinue dans nos pensées.
il y a aussi ce photographe qui ne se nourrit pas durant des mois, tout en se photographiant à espace régulier, jusqu'à devenir presque mort. Généralement la série s'arrête car il est hospitalisé d'urgence.)
Cette idée est aussi frappante lorsque l'on lit le journal d'un défunt, qui note chaque jour ce qu'il fait avec exactitude. Mais plus nous avançons, plus le nombre de page diminue, plus l'espace du livre s'amoindrit, nous menant inexorablement vers la fin.

Une tension dramatique se crée alors : cette page que je tourne, est-ce la dernière ? Et quand elle arrive, cette dernière page, d'un blanc éclatant, tel un linceul placer là, entre deux pages, quand nous arrivons sur cette page vide, à la fois attendue et tant redoutée, tout le drame s'effondre.


Le récit hypertextuel s'oppose à la linéarité dans le sens ou il n'a souvent pas à proprement parlé de commencement et de fin. Dans la majorité des cas, le lecteur retrace lui même sa propre linéarité à travers le système hypertextuel.
Avec Composition n°1, Marc Saporta présente une série de page rangées dans une pochette qu'il faut battre comme un jeu de carte avant de lire pour en découvrir le récit.

L'hypertexte trompe la mort du récit. Dans Afternoon, a Story, Michael Joyce propose un récit sans fin, que le lecteur quittera "quand l'histoire cesse de progresser, quand elle tourne en rond ou quand ses chemins vous fatigue".
Il est également possible de citer les cent milles milliard de poèmes de Raymond Queneau. Pour lire l'ensemble des combinatoires, il faudrait "En comptant 45s pour lire un sonnet et 15s pour changer les volets à 8 heures par jour, 200 jours par an, on a pour plus d’un million de siècles de lecture, et en lisant toute la journée 365 jours par an, pour 190 258 751 années plus quelques plombes et broquilles (sans tenir compte des années bissextiles et autres détails)". Un tel ouvrage est donc humainement illisible dans sa totalité et se heurte au limites du lecteur.
D'une certaine manière, on peut citer dans ce développement le Roman inachevé de Jean pierre Balpé. Il s'agit d'un hypertexte généré à partir d'une base de donnée qui est censé se détruit à la 300 000ème génération, de façon à rendre son œuvre mortelle (prévoir et intégrer la mort du récit est peut être un moyen de la vaincre, au moins en la mettant en évidence).

Notons également que, si le codex correspondait à la construction de la pensée chrétienne, l'hypertexte correspond davantage au fonctionnement même de la pensée (mise en relation d'éléments fragmentaires pour créer un développement).




Au regard du précédent développement, je compte réaliser une série de livres et/ou carnet hypertextuels, présentant les dernières pensées d'un mort, ses mémoires, son cheminement jusqu'à la fin.

Il y aura donc un codex de bonne épaisseur, présentant de manière totalement linéaire ses dernières pensées, ainsi que des question sur la disparition, la peur de l'oubli et la mort, en liens bien évidement avec la mort du récit, le tout lié à l'espace du livre.
Graphiquement, je pense qu'il y aura un mélange de dessin et de texte, même si le jeu typographique serait dominant. J'aimerai aussi travailler sur la dramaturgie de la page qui se tourne et sur la question du blanc.

Ce codex sera accompagné de livres et/ou carnet de plus faible volume présentant un passage de sa vie, sous la forme d'évocation.
Ces livrets, quand à eux seront entièrement hypertextuels. Des passages se feront d'une page vers l'autre, par le biais de page de déférentes tailles et formats, mais pourrons également être mêlées ou liées à d'autres carnets et au premier codex.
Mettre deux carnets l'un a coté de l'autre, l'un sur l'autre, ne sera pas anodin, les images et les textes se suivront, passeront d'une page à l'autre, d'un espace à l'autre. Ils créeront ainsi un autre espace, une sorte de scène où se jouera la dramaturgie de la page


Ce protocole permettrait au lecteur de découvrir la vie de ce personnage, de lier des parties de sa mémoire pour le connaître, et par cette mémoire devenu alors immortelle (car sans fin), vaincre la mort (oubli) de se personnage (métaphore de la mort du récit).

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